Les modèles de botanique Brendel réinterprétés par la Société photographique des universités de Lille (SPUL)

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Trente-deux modèles de botanique Brendel ont été sélectionnés et réinterprétés par la SPUL, à partir des collections numériques du patrimoine de l’Université de Lille. Les photographies ont été révélées en 2020, à l’occasion de l’exposition Le botaniste et ses modèles, associées aux œuvres de l'artiste Mathilde Nardone.

Les photographies d’art de la SPUL sont des interprétations informatiques de photographies de modèles botaniques, c’est-à-dire de créations artisanales centenaires représentant au mieux des éléments naturels et conservées à l’Université de Lille.

La démarche intellectuelle : de la représentation objective vers la charge poétique

L’imagerie scientifique est loin de s’opposer aux arts graphiques. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la biologie végétale : les herbiers du Moyen Âge, puis les planches des XVIIe et XVIIIe siècles, ont eu et ont des usages aussi bien savants que décoratifs.
De même, la photographie scientifique est loin de s’opposer à la photographie d’art. On peut vérifier le décloisonnement de ces genres en parcourant mentalement le chemin partant d’une illustration didactique pour mener au point où celle-ci s’apprécie pour ses pures qualités picturales. En exploitant le potentiel offert par la numérisation 360° des modèles didactiques de botanique Brendel de l’Université de Lille, la SPUL a mis au point un dispositif pour expérimenter ce glissement de la représentation objective vers la charge poétique.

Des références au principe esthétique de Karl Blossfeldt et à la classification des botanistes

La SPUL a commencé par une analyse méthodique de plusieurs milliers de fichiers informatiques constituant la base des vues en 2D issues de leur numérisation 360°. Les choix finaux se réfèrent à un principe esthétique, élaboré à la fin du XIXe siècle par le professeur d’art appliqué berlinois Karl Blossfeldt, selon lequel l’observation attentive, minutieuse, photographique de la nature conduit à mettre au jour des formes singulières, inconnues, étranges, fascinantes : des modèles de forme pour l’artiste. Des catégories émergent spontanément, révélant un nouvel ordre intime des choses. La classification raisonnée des botanistes a été complétée par une mention dans la légende des figures. On y désigne la valeur émotionnelle d’une image de plante. Quatre catégories ont été retenues : les joyaux, les masques, les troublantes, les abstraites.

Des modèles « restaurés », présentés sur fond uni, sans support

Plusieurs problèmes se sont posés. Fallait-il respecter les couleurs patinées actuelles des modèles ou tenter de restaurer les coloris originaux ? Fallait-il conserver leur aspect actuel, avec les manques, les cassures, les brisures, les fendillements, les éclatements que l’utilisation pédagogique d’un siècle a provoqués par la force des choses ou, au contraire, tenter de restaurer les formes initiales ? Fallait-il présenter les pièces dans leur intégrité ou se permettre de montrer le végétal sans son socle et son support ? La SPUL a privilégié ici le propos. En référence à la théâtralité contenue dans les anciens herbiers et planches, les modèles Brendel ont été discrètement « restaurés » puis présentés sur fond uni, sans pied, ni support. Ce résultat a été rendu possible par l’habileté et le savoir-faire de photographes au fait des progrès majeurs dans le domaine du post traitement de l’image que l’intelligence artificielle est en train de révolutionner.

Conception : Maryline Dobrzynski et Bernard Dupont
Infographie : Karl Hecquefeuille
Conseil technique : Jean-Pierre Verrue