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Intimes Inconstances

Maïta Stébé

La mémoire peut se concevoir comme matérielle. Elle se construit, puis s’érode. Copiant les mécanismes chimiques conduisant à la dégradation de négatifs argentiques mal conservés, j’interviens sur les images d’une famille qui n’est pas la mienne. La fragilité de la matière photographique est ici mise en écho de la stabilité de la pierre. 

La mémoire peut se concevoir comme matérielle. Elle se construit, puis s’érode. L’image, notamment quand elle est issue d’un processus argentique, peut suivre ce même chemin. La couche de gélatine présente sur le film photographique, celle-là même qui capture l’image, est ironiquement la première victime de sa destruction progressive. Selon un processus que l’on peut rapprocher de notre propre décomposition charnelle, les éléments chimiques couplés à des formes de vie primaires interviennent sur la matière qui leur est offerte. Habituellement constaté après un stockage perturbé, ce phénomène de dégradation est ici recréé volontairement par mon action. Mon geste s’effectue sur le support des photos d’une famille qui n’est pas la mienne. Pour ces objets vernaculaires particulièrement attachés aux personnages qu’ils représentent, la fuite amenée par la corruption de leur surface est synonyme de la perte de leur sens. Avec l’idée de fournir un memento mori technologique, détruire ces clichés me permet d’alimenter une réflexion sur les stratégies de conservation des images. L’actualisation incessante des techniques nécessite une actualisation tout aussi permanente des moyens mis en place pour garder dans le temps ces fragments de réalité passée. La pierre prend ici la forme de passeuse, avec tout l’imaginaire de stabilité qu’elle charrie.